L’inauguration officielle du monument aux morts a lieu le 6 novembre 1921, sous la mandature de M. Auguste Fougeras-Lavergnolle, maire de Saint-Paul de 1912 à 1925. L’édifice n’a pas encore l’aspect qu’on lui connaît puisque le muret qui l’entoure ne sera construit que l’année suivante.
La construction du monument de Saint-Paul avait été décidée en conseil municipal le 9 novembre 1919 : « Le conseil municipal est d’avis d’élever, dans le cimetière communal, un monument funéraire destiné à glorifier et à perpétuer le souvenir des enfants de Saint-Paul morts pour la France pendant la grande guerre de 1914-1918 ».
Au lendemain de la grande guerre, 70 natifs de Saint-Paul ont perdu la vie au front (tous ne figurent pas sur le monument de Saint-Paul, en fonction de leur lieu de résidence au moment de leur incorporation). Et parmi ceux qui sont revenus dans la commune, nombreux sont ceux qui conservent dans leur corps et leur esprit le souvenir des blessures, mutilations et autres gaz de combat. Entre 1911 et 1921, la population de la commune chute de 1894 à 1713 habitants, signe de l’hécatombe qui a saigné le pays.
La loi du 25 octobre 1919 consacrée « à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre » traduit une volonté nationale d’instaurer des monuments aux morts et des commémorations pour rendre hommage aux 1,3 millions de français décédés lors de la 1ère guerre mondiale. Dès lors, près de 35 000 monuments aux morts vont être érigés dans les communes entre 1920 et 1930 grâce à des financements de l’état, des communes et de particuliers via des souscriptions. Des monuments sont même disponibles sur catalogues.
Ces monuments répondent à la problématique du deuil et ce qu’on nomme à l’époque « la démobilisation des morts », autrement dit le droit pour les familles de récupérer le corps du défunt. Le soldat mort était inhumé dans des nécropoles à proximité du front, même si la généralisation de la plaque d’identification militaire pendant la guerre 14-18 permet souvent d’identifier les corps. Interdit dès les premiers mois du conflit, le transfert des corps des militaires morts durant la guerre et réclamés par leurs familles sera finalement autorisé en 1920. Le monument avec l’obligation d’inscrire le nom des morts dessus permet aux familles de faire le deuil dans un processus de mémoire collective qui va ressouder la communauté autour du monument. Les monuments aux morts revêtent donc deux fonctions principales : ils sont à la fois la tombe symbolique de ceux qui ont défendu la nation et ils désignent un lieu de commémorations publiques.

Initialement prévu dans le cimetière, le lieu d’implantation du futur monument donnera lieu à une séance un peu vive du conseil municipal de Saint-Paul le 27 juin 1920, aboutissant à un vote à bulletin secret qui désignera finalement la place devant l’église plutôt que le cimetière, par 6 voix contre 5 ! En fait, les élections municipales de fin 1919 sont passées par là, même si le maire n’a pas changé. Le monument remplacera donc une croix autrefois dressée devant l’église.
Le monument, construit pour rappeler la douleur au combat d’une génération sacrifiée, interpelle également sur d’autres aspects : depuis la loi de séparation de l’église et de l’état de décembre 1905, aucune réalisation dans l’espace public ne peut comporter de symbole religieux. Les monuments aux morts n’échappent pas à la règle, sauf s’ils sont implantés dans un cimetière. Ces édifices nous éclairent donc sur la situation sociale et politique de la commune après-guerre car ces autels laïcs et civiques sont porteurs d’une grande charge symbolique mais dont le sens peut varier d’une commune à l’autre, en fonction de leurs emplacements, formes, décors ou inscriptions.
Celui de Saint-Paul est l’œuvre de M. Henri Geay, architecte à Limoges. Le 28 novembre 1920, il présente 2 projets au conseil municipal et c’est celui à colonnes de granit qui est retenu. Un comité du monument aux morts sera ensuite désigné le 14 avril 1921 pour « percevoir les souscriptions mais encore payer tous les frais relatifs au monuments ». Cet aspect est important car la très grande majorité des monuments élevés à cette occasion le sont à l’initiative, ou au moins avec la participation financière des anciens combattants, qui représentaient 90 % des hommes de 20 à 50 ans en France dans l’entre-deux-guerres.

Original, le monument de Saint-Paul s’élève sur un socle de base hexagonale. Les six faces du bloc central portent les inscriptions et sont séparées par des colonnettes moulurées. L’ensemble portant une étonnante sculpture circulaire. L’inspiration antique, en vogue à cette époque, est très apparente. Il se distingue par ses colonnes : elles symbolisent la puissance et la stabilité mais aussi l’espérance. En se dressant vers les cieux, les colonnes représentent un trait d’union entre la terre et le ciel. Ainsi, elles revêtent un caractère sacré qui est l’essence même du monument aux morts. Il se singularise également par son absence d’épitaphe, contrairement à d’autres, aux discours parfois patriotiques ou au contraire pacifistes. Peu, voir aucun élément de nature artistique n’interfère entre le monument et ceux qui se souviennent. La seule présence des noms des disparus impose une certaine neutralité du message délivré par l’objet lui-même. Il n’est pas destiné à glorifier la victoire, mais à honorer ceux qui ont perdu la vie. Le coût est établi à 10 456,10 francs. Un emprunt de 4 300,00 francs est contracté, les souscriptions des particuliers se montent à 5 055,00 francs et la commune abonde le reliquat à hauteur de 1 101,10 francs. L’année suivante verra la construction du muret entourant le monument. L’architecte est à nouveau M. Geay et une nouvelle souscription est ouverte pour le financer (coût de l’opération 4 217,24 francs). Ne nous y trompons pas, cette ultime construction n’a rien d’anecdotique mais est au contraire, hautement symbolique : c’est la consécration du lieu de souvenir. Le lieu où on commémore les absents a été délimité. Il est devenu un enclos à caractère sacré où seul le magistrat municipal, les anciens combattants ou parfois les enfants des écoles, déclarés innocents, peuvent prétendre pénétrer. Cette parcelle de sol est désormais désignée comme sacrée aux yeux de tous.
Liste des Morts pour la France de la 1ère guerre mondiale nés à Saint-Paul : mplf-st.-paul-deyjeaux

