Le 29 décembre 1892, M. Léonard GUERIN, maire de Saint-Paul (de 1883 à 1894) reçoit officiellement un buste de Marianne pour la décoration de la mairie.
La commune doit s’acquitter de la somme de 28,45 Francs de frais d’emballage et de transport. Le coût du buste, c’est à dire 37,00 Francs, est pris en charge par le ministère de l’instruction publique et des beaux arts (les Mariannes étaient généralement offertes par l’état, après demande du conseil municipal auprès du préfet).

Marianne est le symbole allégorique de la République française, et par extension de la France. C’est la Convention, en 1792, qui décide de représenter la République sous les traits d’une femme coiffée du bonnet phrygien de couleur rouge, emblème de la Liberté. Elle représente la France libérée de la monarchie absolue. Mais son installation fut progressive dans les mairies françaises et date de la fin des années 1870, lorsque les républicains installent définitivement la troisième république.
Plus prosaïquement, en 1792, quand la monarchie fit place à la république, il fallut remplacer l’effigie du roi par un symbole visuel « afin que nos emblèmes, circulant sur le globe présentassent à tous les peuples les images chéries de la Liberté et de la fierté républicaine » selon le mot de l’abbé Grégoire à la Convention.
Le surnom familier de Marianne apparaît à la même époque, sans doute parce que ce prénom, formé du nom de la Vierge et de celui de sa mère, Anne, était très répandu dans le petit peuple au XVIIIe siècle, et qu’il convenait donc à la jeune République qui en était issue. Elle symbolise la « Mère patrie », la mère nourricière qui protège les enfants de la République. Inversement, Marianne était péjoratif pour les aristocrates car elle représentait le peuple.
Il n’y a jamais eu de buste officiel de la République. Chaque sculpteur est libre de représenter Marianne à sa façon, et chaque maire est libre de choisir son modèle. Ainsi s’explique l’extraordinaire diversité des bustes de mairie. C‘est récemment que la mode a voulu qu’on donne à Marianne les traits d’artistes célèbres (à partir des années 60).
Celle de Saint-Paul est une Marianne crée par le sculpteur Jean-Antoine INJALBERT en 1889 à l’occasion du centenaire de la Révolution française pour honorer une commande de l’état. Ses reproductions sont un des types de Marianne les plus répandus dans les mairies et les écoles françaises à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Notre Marianne est un modèle en plâtre, d’un gabarit assez imposant, moulé par l’atelier de moulage Pouzadoux et fils à Paris en 1892. Il en existe plusieurs versions de tailles et matières différentes : en bronze, en biscuit porcelaine dure exécutée par la manufacture de Sèvres et en plâtre, peint ou non.
C’est un buste à l’antique de Marianne, coiffée d’un bonnet phrygien, aux bords relevés, et avec une cocarde. Elle porte une écharpe à motif d’écailles et à mufle de lion, symbolisant la force du peuple. Robuste et vigoureuse elle est plus combative que nombre de ses autres représentations. Sur le socle, sont présentes, dans un cartouche, les initiales de la République française. La signature et la date sont placées sur le côté gauche de la statue, et la marque d’atelier est située au revers.

Marianne, née de la Révolution, suit les vicissitudes de l’histoire. Elle est mise à l’écart de 1800 à 1870 (Consulat puis Premier Empire, Restauration et monarchie de Juillet). La IIe République ne la ramène au pouvoir que pendant quatre ans (1848-1852). Avec le second empire, la République disparaît et Marianne entre dans l’opposition. C’est la IIIe République qui l’installe durablement. Sous Vichy, Marianne entre dans la Résistance, disparaît de tout l’espace public, et les miliciens lui font la chasse dans les mairies. Mais avec le retour de la République, à la libération, elle retrouve sa place.

Pour couronner le tout, Marianne est également victime de la mode. On lui préfère parfois des actrices, ce qui lui vaut un nouveau passage au grenier. Certains maires lui préfère la Marianne d’après Catherine DENEUVE, acquise dans les années 90, jugée plus moderne…et surtout moins encombrante !
Puis elle redescend, on la dépoussière, le dernier en date avec une brosse à dents (véridique). Répertoriée au Centre national des arts plastiques, elle est maintenant revenu dans l’endroit pour lequel elle avait été initialement crée, c’est à dire la salle du conseil.


