Portraits et histoire

Gérard COLOMBIER

GERARD ET LES CITROUILLES

On partira du principe que le lecteur lambda de Saint-Paul n’a pas vécu sur une planète lointaine ces 30 dernières années et qu’il y a donc de fortes chances qu’il connaisse peu ou prou Gérard. Le maçon, l’agent de la commune, sa maison décorée à Noël, sa moustache, ou encore Marie, son épouse qui a dû garder une bonne proportion des enfants de la commune. Bref, on a tous une bonne raison de savoir qui c’est. Ce qu’on connaît un peu moins, c’est son goût pour le jardinage, « une passion depuis tout jeune » et notamment pour le légume de dimension…. démesurée. On passera sur la tomate de 1,3 kg « dont les plants avait été offert par M. Lhermet et depuis j’en utilise les graines », la salade de 80 cm de diamètre ou encore le haricot vert de 86 cm de longueur (précisons que tous ces légumes sont comestibles) pour se concentrer sur les citrouilles.

                                                                                  Le Populaire du 24 septembre 2009

Depuis des années, on les voit apparaître à diverses occasions : fêtes de village, expositions, concours ou tout simplement devant la demeure de Marie et Gérard. « Des fois il y en a qui disparaissent » nous déclare celui-ci d’un air dépité, ou finissent parfois écrasées par des véhicules indélicats comme de vulgaires purées… La vie moderne sans doute. Outre le concours de citrouille de Châteauneuf-La-Forêt tous les ans, Gérard a participé entre-autre à la Foire aux Potirons à Tranzault dans l’Indre où il croise notamment une cucurbitacée concurrente de 700 kg ! et concourt à Saint-Laurent en Creuse à la Fête de la Citrouille où il se classe 4ème sur 9. Le plus gros sujet qu’il ait cultivé pour l’instant, « c’est 240 kg, en 2015 ».

Le mastodonte de 240 kg présenté à Châteauneuf-La-Forêt en 2015. Marie et Gérard à droite sur la photo.

Le jardinage se pratique également en famille. Au dernier concours de Châteauneuf-La-Forêt, si Gérard remporte le concours de la plus grosse citrouille avec un spécimen à 190 kg, c’est les petits- enfants qui trustent les premières places dans la catégorie des plus petites, c’est-à-dire de quelques grammes seulement et cueillies à peine la fleur fanée. Comme quoi, ça peut être contagieux la citrouille. Et les citrouilles ne se transforment pas en carrosse, comme on pourrait s’y attendre naïvement, mais se promènent plus fréquemment dans le vrai carrosse de Gérard, c’est-à-dire la 404. Parce que, l’air de rien, ça ne se pèse pas au pied levé une cucurbitacée de cette taille : on pèse la 404 sur le pont des établissements Magnaval, d’abord à vide, puis avec la citrouille, ça permet de déduire le poids de celle-ci. « C’est l’occasion de réunir des voisins du village pour cueillir la citrouille » le moment venu. Forcément avec des monstres de quelques centaines de kilos, faut un peu de monde, un peu de force, mais surtout pas mal de coordination. Bref, « faut des gars sérieux, le tracteur de Guitou…. et après on boit l’apéro ». Ok Gérard, on a compris…

Petit plant deviendra grand…

Cette année, c’est à l’occasion du vide-jardin qu’a eut lieu la pesée « un peu dans la précipitation, mais toujours avec des gars sérieux »
Au bout d’un moment on parle justement des choses sérieuses : bon, c’est quoi le secret pour faire pousser des trucs pareils ? « Il n’y a pas de secret. J’utilise la variété Atlantic Giant qui a la particularité de produire de gros sujets. Je récupère mes graines que je fais pousser au mois de mai avant de les repiquer et il faut cueillir le plus tard possible. L’hiver, je mets une couche de fumier sur le terrain et je laboure au printemps. L’important c’est de bien arroser. On arrose deux fois par jour avec Marie et ça prend du temps, ne serait-ce que pour remplir la tonne à eau au lavoir ». De toutes façons, on se doute que, si secret il y a, il est bien gardé…

Le grand qui dépasse au dernier rang, c’est Gérard sans la moustache, à l’école de Saint-Martin-Terressus vers 1967. «  J’ai toujours été costaud  » nous dit l’intéressé. On saisit mieux le goût pour les choses colossales… et on se dit que les (petits) camarades ne devaient pas trop l’embêter !


Jacques PAUZAT

M. Pauzat, mais « on dit Jacques ! » nous rappelle celui-ci d’une voix affirmée, a rarement laissé indifférent : sa gouaille, son caractère bien trempé et une solide carrure faisaient que sa seule présence avait bien souvent un effet tranquillisant sur l’assistance. Comme tout le monde, l’homme a vieilli, s’est un peu tassé, mais on sent très rapidement qu’on a affaire à un personnage.

Natif de Ladignac-le-Long, Jacques perd sa mère à l’adolescence. Les 5 autres enfants de la fratrie sont alors placés dans la famille. Lui, ira à Châteauneuf-la-Forêt, chez M. Touze, faire son apprentissage de plombier avant de partir ensuite travailler à Limoges où il se spécialisera en zinguerie. C’est également à Châteauneuf-la-Forêt qu’il rencontrera sa femme.
S’il connaissait déjà Saint-Paul par son travail, c’est en 1957 qu’il s’installe définitivement dans notre commune pour travailler et créer ultérieurement l’entreprise de plomberie qui portera son nom. C’est le temps du Vespa puis de la Citroën C4 ( évidemment pas l’actuelle mais celle des années 1930 !). Jacques intervient pour des particuliers (c’est l’époque où on alimente en eau de nombreuses fermes) mais également pour les communes aux alentours. Il intervient ainsi une première fois à Eyjeaux après qu’une partie du bourg se soit retrouvée privée d’eau pendant 15 jours ! Il assurera enfin l’entretien courant du réseau pour le syndicat des Allois, à la création de celui-ci. Ces interventions aux 4 coins du territoire lui permettront de nouer de solides relations.

L’époque du carnaval

Marié et père de 2 filles, Jacques s’impliquera rapidement dans la vie locale. De nature conviviale, Jacques a toujours participé au Comité des fêtes, dont il restera président pendant 28 ans. Il accompagnera l’ensemble des manifestations qui ont alors fait la notoriété de la commune, depuis les concerts de Verchuren, les rendez-vous annuels du carnaval et autre cavalcade, de la course de côte, jusqu’au feu d’artifice de la fête patronale. Il faut dire que Jacques savait gérer les relations avec les élus, la gendarmerie et autres autorités de l’époque. Son entregent facilitait les démarches, résolvait bien des tracas et ses fameux casse-croûtes, source de convivialité, n’y étaient pas pour rien. Ses amitiés avec des élus de Limoges expliquent la présence des nombreux chars qui défilaient à Saint-Paul pour son carnaval, une semaine après celui de Limoges : Saint-Paul fournissait les tracteurs pour le défilé de Limoges, avant de revenir avec les chars en remorque pour celui de notre commune !

Et des Miss de Saint-Paul !

Jacques fut également longtemps élu à Saint-Paul. Il est élu pour la première fois en 1971 (avec M. Roux, Maire) et accompagne l’ensemble des mandats de celui-ci jusqu’en 2001. Et le premier mandat commence sur les chapeaux de roue car à peine élu, il faut installer des nouveaux bâtiments scolaires pendant les vacances d’été car l’école des garçons se fait dans l’actuelle mairie et la cantine est encore dans une baraque réutilisée de l’ancien camp de prisonniers. Les préfabriqués, installés pendant l’été à l’école des filles afin d’accueillir les garçons et une cantine, sont ceux connus par tous les enfants depuis la rentrée de 1971. Ils seront finalement détruits cette année après 45 ans de bons et loyaux services.

L’arbre de Noël dans la nouvelle cantine. Qui se reconnaît….?

Les abords faciles de Jacques ainsi que sa connaissance de la population largement agricole en faisaient le contact privilégié de la Mairie lorsqu’il s’agissait de régler quelques affaires sensibles ou d’intervenir sur des situations difficiles. Il en héritera le surnom de « shérif » qui le fait aujourd’hui sourire. Moitié sérieux, moitié rieur, Jacques disait « je partirai lorsqu’on me foutra dehors ! » en parlant de la mairie ; Mais 30 ans se sont écoulés et c’est finalement l’âge et l’usure qui le feront partir… « On n’a pas fait de miracle et ça ne cassait pas trois pattes à un canard, mais on a fait ce qu’il y avait à faire » commente-t-il aujourd’hui sobrement.


Claude GOURINEL

« On dit que dans les couples, pour que ça dure, il faut du 50-50. Dans le notre, c’était plutôt 60 % pour ma femme » raconte Claude avec émotion. « Nous nous étions toujours connus, nés à Eymoutiers la même année, puis à Domps où nous avons grandi ».
Claude avait perdu sa mère quelques jours après sa naissance, « une plaie jamais cicatrisée et c’est avec la naissance de nos trois enfants que j’ai découvert le rôle d’une mère ». Élevé par ses grands-parents puis vivant avec son père, le jeune Claude découvre la boulangerie avec les enfants du boulanger de Domps chez qui il passe ses jeudi. « C’est là que j’ai attrapé le virus… ».
Après, c’est l’apprentissage puis le service militaire comme boulanger en Algérie en 1959-60. « Ça canardait assez souvent à l’époque, et il fallait se cacher derrière les eucalyptus du camp en attendant que l’artillerie n’intervienne. On avait des fours à pain mobiles qui fonctionnaient à l’essence… valait mieux faire gaffe… ! ».

Les fours à pains mobiles de l’armée française en Algérie

Après avoir travaillé dans une boulangerie à Verneuil, c’est en 1965 que le couple reprend l’ancienne Boulangerie Gilles, rue du 11 novembre à Saint-Paul : « On a commencé modestement, nous n’avions pas de gros moyens derrière nous ».
Le pain a une symbolique évidente en plus d’être la base de l’alimentation d’autrefois, principalement à la campagne. Le boulanger a alors une dimension sociale importante dans les villages en plus d’être un métier très longtemps sous haute surveillance : « Jusqu’en 1976, le prix du pain était fixé par décret ministériel…. » se souvient Claude.

Le métier exigeait une présence quasi permanente et de bonnes journées. « Je me levais vers minuit pour préparer le pain, puis lorsque ma femme partait en tournée, je tenais le magasin. Parfois, il m’arrivait de dormir sur la table. On savait que le métier était usant et qu’il était parfois difficile de se réhabituer aux horaires de tout le monde. A ma retraite, je ne pouvais plus marcher… ». Les tournées étaient nombreuses et sillonnaient les campagnes alentours. « Lorsqu’il y avait des fêtes ou des évènements tels que des tournois de foot le dimanche, et c’était souvent à l’époque, il ne fallait pas compter ses heures… ! ». C’est ainsi qu’il ouvre désormais le dimanche matin et ferme le lundi.
« Au début je me servais de l’eau du puits directement présent dans le fournil, où l’eau était toujours fraîche. Puis dans les années 70, j’ai changé de four pour un four à vapeur fonctionnant à l’électricité ou au bois, ce qui m’a permis de faire du pain même lors de la grande panne électrique nationale de fin 78 » .
Pourtant l’affaire se développe bien et la notoriété s’accroît. Ainsi, lorsque les Gourinel décident de réduire certaines tournées où d’autres boulangers sont apparus, ce sont les clients qui suivent le pain et viennent à Saint-Paul. « Nous n’étions pas ambitieux, nous n’avions pas la folie des grandeurs, nous voulions juste créer une affaire qui marche bien » résume-t-il.

En fait, la notoriété dépassera largement les limites du canton puisque c’est une cliente éphémère, de passage à Saint-Paul, qui lui apprend un jour que sa boulangerie figure dans le Guide PetitRenaud.
En 1997, l’heure de la retraite a sonné. « C’était le 30 août » se souvient Claude avec émotion, « il devait rester 2 ou 3 pains en rayon. On se regardait et aucun de nous deux ne voulait fermer la porte, car nous savions que nous ne rouvririons pas… ».

A la mémoire de Nicole GOURINEL.


Michel VIGNERON

« Notre famille était une famille d’agriculteurs, puis peu à peu nous nous sommes tournés vers le négoce après guerre. D’abord avec la région de Lyon et Saint-Étienne, puis l’Italie. »
Les habitudes alimentaires ne sont en effet pas les mêmes d’un endroit à l’autre, ce qui influence le commerce. En Limousin, on mange de la vache, du bœuf ou du veau. Peu de broutard ou taurillon, c’est-à dire-de jeunes bovins mâles non castrés, élevés pour produire de la viande ou faire un reproducteur. Ce sont surtout des morceaux de viande à cuisson lente que l’on trouvera dans ces animaux et qui se trouvent aujourd’hui souvent dans les rayons boucherie des grandes surfaces.
« Au début, c’est des wagons qui convoyaient les bêtes. Avec quelques autres négociants on constituait des convois de wagons aménagés, à la gare de Pierre-Buffière. Les camions ne sont apparus qu’ à la fin des années 70. Avec des carrosseries de camions italiens aménagés en bétaillères… »
Ah ! les carrosseries Italiennes…
En fait, c’est le développement économique italien d’après guerre qui a développé ce commerce plutôt pionnier. L’ Italie est un pays de céréales, pas d’élevage. Donc ils cherchaient à acheter des bêtes de bonne qualité « à finir », c’est-à-dire transformer leurs céréales en viande.
« Mais avec les Italiens, le commerce a toujours été bon enfant. Nous, on achetait les bêtes dans les fermes limousines. Les acheteurs italiens étaient de petites exploitations, groupées en coopératives. Ils venaient en France et on allait les voir. Pour le contrat, on tapait dans la main. Par contre c’était très prenant, il fallait voyager. A cette époque les transactions s’effectuaient toutes en liquide, qu’il fallait avoir sur soi. C’était pas toujours très rassurant. »
Mais bon, l’Italie, quand on parle de commerce, ce n’est pas forcément aux carrosseries et aux coopératives qu’on pense au premier abord…
« Une fois, on a un wagon qui a disparu vers Naples… »
Cette fameuse magie italienne sans doute…
« Il faut être prudent, mais avec le temps on connaît les partenaires… et par conséquent, ceux qu’il vaut mieux éviter. »

Marié, père, il faut aussi trouver un peu de temps pour s’investir dans la vie communale comme conseiller municipal. « J’ai fait les 3 premiers mandats de M. Roux. Mais bon, je n’étais pas un conseiller très présent… » On aurait pu s’en douter puisque l’entreprise prospère au fil du temps, pour devenir l’une des plus importantes du secteur :
« En moyenne, c’est 20 000 bêtes par an. C’est plutôt stable. On a aussi travaillé avec l’Espagne, la Grèce ou la Turquie. Néanmoins, c’est plutôt marginal dans notre activité. Et là, le contrat c’était pas qu’une poignée de main… »
L’essentiel de l’activité reste centré sur l’Italie et la création de la société EUROFRANCE il y a 20 ans, se fait avec un capital moitié italien et moitié français. Cela demande donc d’être vigilant :
« Il faut surveiller toute la chaîne, des éleveurs jusqu’ à l’acheteur, en passant par l’abattoir et la boucherie. Si l’un des éléments commence à vaciller, il met en danger tout l’équilibre et chacun des acteurs. Alors, quand vous faites partir un wagon ou un camion en espérant être payé 3 semaines plus tard, il y a des nuits où vous ne dormez pas forcément très bien… C’est des sommes conséquentes qui sont en jeu. »
2016 sonne l’heure de la retraite et la société doit trouver un repreneur.
« Le plus compliqué à ce moment-là c’est de trouver le bon acheteur. Celui qui reprendra le personnel et l’activité. C’est le souhait de tout artisan ou commerçant qui cède son commerce. On n’ a pas envie qu’il disparaisse. C’était une bonne part de notre vie mais, au-delà de l’entreprise, ce négoce fait aussi travailler des éleveurs du secteur et il y a une petite dizaine de salariés, dont la moitié de Saint-Paul. La société continue donc la même activité et dans les mêmes conditions sous le nom de SAS WEBER ».

 

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