Saint-Pol 1569

Le temps des calamités.

Le dernier jour de février 1599, Joseph Germain de La Pomélie, faisait la déclaration suivante, devant témoins, chez Maître François Bonnet, notaire à Saint-Pol :« Noble Joseph Germain de la Pomélie, écuyer, a perdu tous ses documents familiaux dans l’incendie qui a eu lieu à la saint Jean-Baptiste 1569, tant par les armées du roi que celles de la réforme, qui prirent et reprirent plusieurs maisons du bourg, brûlèrent en partie et pillèrent la maison noble de la Pomélie. Les témoins ont attesté avoir vu brûler et piller cette maison et même tuer une fille de La Judie d’un coup d’arquebuse.  »(1).
En 1569, nous sommes en pleine guerre de religion, et le Limousin, plus particulièrement nos cantons de Pierre-Buffière et Saint-Léonard, en deviennent le théâtre d’opérations principal. L’instabilité politique et l’insécurité sont chroniques dans une région qui se remet difficilement des souffrances issues de la guerre de Cent ans au siècle précédent, avec son lot de calamités : les disettes sont fréquentes et les épidémies récurrentes (la peste est à Limoges en 1563 et la chronique rapporte «  1800 morts de contagion »(2) en 1565 à Saint-Léonard). L’insécurité est durable : des ponts-levis font leur apparition aux ponts Saint-Étienne et Saint-Martial de Limoges en 1567 pour se protéger des bandes. Dans les campagnes, la militarisation va croissante. Les villageois fortifient quelques demeures et leur église, comme celle de Saint-Pol, car c’est bien souvent le seul édifice de la paroisse ayant quelque apparence de solidité. Les vestiges encore visibles suggèrent des travaux effectués par des paysans et des artisans ruraux, sur des défenses héritées de la guerre de Cent ans, qui sont remaniées : les murs sont presque aveugles, avec des couronnements défensifs, parfois des canonnières et des archères.

Chevet de l’église : Les contreforts carrés constituent de véritables tours d’angle, avec des corbeaux en quart de rond qui ont dû supporter un hourdage.

 

La chronique rapporte également des hivers rigoureux et neigeux, comme celui de 1572-73 qui vit «  les vignes et les noyers geler, et il y eut si grande disette que le setier de seigle se vendait 10 fr  »(3). Rappelons qu’à cette époque des vignes poussent sur les coteaux de toutes les communes (le « chemin des Vignes » de Saint-Paul en garde le souvenir).
Mais nous sommes dans le « petit âge glaciaire » depuis le XIVe siècle avec des baisses de moyennes de température très nettes par rapport à celles que nous connaissons depuis la fin du XIXe siècle. Le sol du Limousin est pauvre, et la nature difficile. C’est pourtant vers nos actuels cantons que se dirigent plusieurs armées aux dimensions considérables pour l’époque (environ 25 000 hommes de chaque côté).

Carte de Limosin par Christophe Tassin en 1634 (source Gallica NF)

Au printemps 1569, la guerre fait retour dans le Limousin et la Marche. Au moment de la troisième guerre de religion, l’armée protestante commandée par Coligny (accompagné du jeune Henri de Navarre, futur Henri IV, âgé de 16 ans) arrive de l’Ouest et se rapproche de provinces partiellement acquises au protestantisme, surtout à la campagne. Arrive en renfort de l’Est, et précédé d’une réputation détestable, le corps expéditionnaire du duc de Deux-Ponts, venu d’Allemagne pour faire sa jonction avec l’armée protestante.
L’armée royale et catholique du roi Charles IX, conduite par le duc d’Anjou, frère du roi, s’interpose et arrive du Nord. Le 9 juin, il est à Limoges. Cette armée est renforcée de troupes italiennes envoyées par le pape Pie V qui remontent du Sud et passent par Linards et Saint-Bonnet en direction de Pierre-Buffière. (La reine Catherine de Médicis est à Limoges le 19 juin pour s’entretenir avec le commandant italien).
En fait, lorsque les armées royale et allemande se présentent dans le nord du Limousin, elles sont d’abord lancées dans une course poursuite, chacune voulant empêcher l’autre de franchir la Vienne et de se saisir de Limoges. Des escarmouches ont lieu avec des troupes catholiques envoyées de Limoges le 29 mai 1569 et commandées par «  le capitaine Massès se portant en avant avec quelques compagnies attendre l’ennemi à Saint-Léonard  »(4) pour empêcher le passage de la Vienne. Les troupes allemandes du duc de Deux-Ponts parviennent néanmoins à traverser le fleuve à Saint-Priest-Taurion et imposent une garnison à Saint-Léonard.
Pendant ce temps, les seigneurs locaux choisissent chacun leur camp. Les seigneurs de Pierre-Buffière, ceux de Linards et de Bonneval penchent pour les protestants. Limoges est maintenant solidement tenue par les catholiques. Les escarmouches entre les différents partis sont fréquentes et les accrochages récurrents sur ce territoire.
Les troupes allemandes du duc de Deux-Ponts se comportent comme une armée en croisade, et de manière méthodique, pillent et incendient les abbayes, monastères, prieurés et églises qui se trouvent sur leur itinéraire (abbaye de l’Artige, monastères d’Aureil, des Allois et de Solignac).
Les différents corps se retrouvent finalement pour la bataille de La Roche l’Abeille. Celle-ci a lieu le 25 juin. Elle est perdue par les catholiques mais n’a rien de décisif.
L’armée catholique meurt de faim dans ce pays qualifié de « stérile »(5) déjà ravagé par les protestants. Les mercenaires du duc d’Anjou refusent de combattre déclarant «  qu’ils ne pouvaient combattre à jeun  »(6). Mais de leur côté, les protestants souffrent tout autant et cherchent à gagner la Dordogne plus clémente.

Départ de souterrain remblayé, qui s’enfonce. Sous l’ancien presbytère, direction l’église.

On sait quelle était l’indiscipline des gens de guerre au XVIe siècle, souvent mercenaires, au ravitaillement inexistant et à la solde précaire. Les hommes se nourrissent comme ils peuvent, et les gens d’armes s’en vont par bandes, sans congés, se transformant en pillards. Ils ravagent la campagne, entraînant les paysans dans leur misère. Les massacres de civils ou de militaires sont fréquents (la garnison protestante laissée à Saint-Léonard est massacrée un peu plus tard par la population). La guerre s’installe, bien souvent nourrie par les seigneurs locaux.
À Saint-Pol, comme dans tous les villages pris et repris, les habitants se cachent dans les souterrains-refuges ou se barricadent dans l’église et autres châteaux, et les paysans n’osent plus se rendre dans leurs champs.

Saint-Pol est en outre siège d’un archiprêtré, desservi par une communauté de prêtres. Le village est probablement saccagé, comme le rapportent les textes, ce qui semble confirmé par le fait que les plus anciennes maisons du bourg datent de cette époque. Par bourg, il faut entendre un ensemble de constructions circonscrites autour de l’église entre les actuelles rues du Tambourinaire et du Moulin, autour de l’église. L’actuelle avenue de Limoges n’existe pas. Des lieux comme Artrat ou Les Rouchilloux, par exemple, sont encore des hameaux distincts.
Tout cela peut sembler éloigné mais il suffit bien souvent de flâner pour faire le lien avec ce passé révolu toujours présent dans les rues de ce Saint-Pol tourmenté qui deviendra ultérieurement notre Saint-Paul. L’architecture, manifestement militaire, de l’église (surtout son chevet) rappelle des temps plus difficiles et chacun peut voir encore, juste derrière la porte, l’emplacement de la poutre de bois permettant de barricader l’église lorsqu’on s’y réfugiait. Une autre mortaise du même type est visible dans l’ancien presbytère.

Mortaise derrière la porte d’entrée de l’église.

La présence de nombreux départs de souterrains sous les anciennes maisons du bourg (pour l’anecdote, l’un d’eux s’effondrera avenue de Limoges peu de temps avant le passage du Tour de France dans les années 70) témoigne d’autres temps. Contrairement à l’imagerie populaire, ces souterrains ne relient pas des châteaux entre eux (une légende locale rapporte même un souterrain depuis l’église jusqu’au château d’Aigueperse, soit une distance considérable sans raison). Beaucoup de ces souterrains, souvent très anciens, consistent en communication entre caves de différentes maisons. Ils sont souvent étroits et il faut parfois progresser à 4 pattes. D’autres sont de véritables souterrains-refuges creusés dans le tuff avec parfois une seule entrée, maçonnée ou défendue, qui permet à la population de se replier. Ils comportent généralement une source ou un point d’eau et permettent de stocker quelques provisions tout en se mettant à l’abri des hommes ou des éléments climatiques. Beaucoup ont été comblés ou murés depuis les années 70 mais rappellent une époque où il fallait parfois se cacher pour survivre.

Départ de souterrain muré, sous l’ancien presbytère, perpendiculaire au précédent.

Notes :
1. « Généalogie de la famille Germain de La Pomélie » par l’Abbé André LECLER, Limoges 1896. Traduction de l’ancien français par nos soins.
2 et 3. « Chronique de ce qui s’est passé en Limousin, Marche et pays circonvoisins, par un homme curieux, dit l’Anonyme de Saint-Léonard – 1548-1604.
4, 5 et 6. « Le passage de l’armée allemande du duc de Deux-Ponts dans la Marche et dans le Limousin en 1569 » par Louis DUVAL (Ed. 1873). Réédité en 2016.

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